Penicillium : trois modèles, trois portées, trois esthétiques
Un article de Valerian Sache
Master II, Sciences et cultures du visuel – université Lille 3
> Modèle Brendel de Penicillium, 1960, World Museum, National Museums Liverpool
> Modèle en verre de Penicillium grossi 400 fois, Emil Sella, 1945 © The Fiel Museum, B80062
> Modèle Brendel de Penicillium, 1960, World Museum, National Museums Liverpool
> Modèle en peluche de Penicillin (Penicillium chrysogenum), GIANTmicrobes, Olivier Drew, 2018
1/ Jeanne Lafont, 3 septembre 1928 : Alexander Fleming découvre la pénicilline, herodote.net, 2016. En ligne, consulté le 10 janvier 2018.
2/ Les modèles Brendel sont principalement réalisés en papier mâché, mais certains autres matériaux sont également utilisé, tels que le bois, le coton, des perles de verre, et même des plumes et des poils d'animaux. Collection de modèle Brendel numérisée du World Museum, National Museums Liverpool.
3/ GIANTmicrobes fondé par Olivier Drew. « Les GIANTmicrobes sont des organismes et des cellules en peluche, grossis plus d'un million de fois par rapport à leur taille réelle, humoristiques, éducatifs, amusants et à collectionner. »
Les Penicillium sont un genre de champignon microscopique, entre autre cultivés industriellement pour la fabrication de fromages (Penicillium camenbertii, Penicillium roqueforti, etc.) mais dont le grand public connait une autre facette : la production de la pénicilline. La découverte de cette molécule par Alexander Fleming 1 a eu un impact majeur sur la médecine et sur la santé publique , suscitant ainsi la création de plusieurs représentations dédiées, dont des modèles en trois dimensions.
Trois modèles (ou pseudo-modèles) vont être mis en rapport : le premier est un modèle en verre réalisé par l'artiste botaniste Emil Sella en 1945, soit la même année que la réception par Fleming du prix Nobel de médecine pour sa découverte. Le deuxième est un modèle Brendel, approximativement daté à l'année 1960 2 . Le dernier enfin, GIANTmicrobes, est actuellement commercialisé comme un jouet 3 .
Bien qu'étant chacun porteur d'une esthétique différente, tous conservent une même ambition didactique. Les variations de couleurs et de matières sont plutôt dues aux contextes de fabrication et aux publics visés.
Si l'on peut aujourd'hui apprécier l'art du modèle en verre, il n'est pas dit que c'était le cas lors de sa conception. La notice informative attachée à l'image fait référence à un travail méthodique de reproduction à partir d'études directes via le microscope. L'emploi du verre en lieu et place de bois ou de papier mâché à la manière d'un modèle Auzoux peut s'expliquer d'une part par la contrainte impliquant précisément de représenter une structure fine et d'autre part par l'absence de nécessité de proposer un modèle manipulable dont l'intérieur soit lui aussi riche de contenu. En ce sens, ce modèle en verre se rapproche des objets hybrides de la famille Blaschka.
Le modèle jouet GIANTmicrobes évoque lui aussi, dans les arguments de vente affichés sur la page dédiée, un intérêt didactique : il est ainsi précisé qu'il peut servir aux enfants, parents et éducateurs à transmettre des notions relatives à l'hygiène, aux maladies ou plus généralement au corps humain. L'esthétique du modèle est de manière évidente corrélée au public jeune visé : si la forme générale est maintenue, — il s'agit de conserver une idée générale qui restitue avec un minimum d'exactitude le visuel du Penicillium —, les traits sont exagérés et les couleurs vives. Mais le trait le plus remarquable reste cette volonté d’humaniser le champignon, par l'ajout anthropomorphique d'une paire d'yeux, et donc d'un regard. Il s'agit ainsi dans ce cas d'offrir un objet attirant et aisément appréhendable par l’enfant.
Enfin, notre ultime modèle, le modèle Brendel, est celui dont la portée didactique est la plus immédiate : la structure, finement travaillée, repose sur un socle. Les couleurs sont neutres, douces mais permettent une différenciation précise des différents éléments constituant le modèle. La modélisation partielle, sur le socle, d'un contexte environnemental, finit d'inscrire l'objet dans un contexte d'apprentissage. Un apprentissage destiné, on peut le deviner grâce à la précision et la sobriété du modèle, à des collégiens et lycéens.
Ainsi, ces trois modèles le montrent, l'esthétique d'un objet est directement liée à ses usagers potentiels.