Les globes en trois dimensions de la BNF
Un article d'Antoine Chanal
Master II, Sciences et cultures du visuel – université Lille 3
> Globe terrestre de Martin Behaim, 1492 (fac-similé), photo du site de la BNF
> Globe terrestre de Martin Behaim, 1492 (fac-similé), capture d’écran du dispositif de consultation en trois dimensions sur le site de la BNF
1/ BNF, Présentation : exposition « Globes en 3D », YouTube, le 04/08/2016, vidéo consultée en ligne.
2/ Camille Vignolle, « 20 juin 1492 , Martin Behaïm réalise le premier globe terrestre », Hérodote.net, le 27/11/2018, article consulté en ligne.
3/ Claire Chemel, Club Innovation & Culture, C. Chemel (BNF): « Nous avons été bluffés par les outils numériques développés par DNP autour des globes numérisés en 3D », Club Innovation & Culture CLIC France, le 23/06/2016, article consulté en ligne.
4/ Claire Chemel, « Des globes numérisés en trois dimensions », Le Blog Gallica, le 23/02/2016, article consulté en ligne.
5/ « Les globes terrestres », BNF Gallica, , le 23/06/2016, consulté en ligne.
6/ Nathalie Meyer, « Qui a découvert que la terre est ronde ? », Futura Planète, le 23/02/2016, article consulté en ligne.
La terre est ronde. Ce lieu commun n’est plus guère remis en cause aujourd’hui. En réalité, et contrairement à ce que l’on imagine communément, il y a fort longtemps que cette probabilité a été énoncée. Dès la Grèce antique, de nombreux philosophes et géomètres émettent cette hypothèse avant qu’elle ne soit confirmée par l’observation par Aristote des éclipses durant lesquelles se dessinait la forme arrondie de l’ombre de la Terre sur la Lune. Bien avant Galilée, à qui l’on attribue parfois par erreur cette découverte, les hommes représentaient déjà notre planète sous l’aspect d’une sphère.
C’est à la Bibliothèque nationale de France que l’on peut en trouver l’une des preuves. En effet, la BNF possède une collection de plus de 200 globes antérieurs au XXe siècle, parmi lesquels figurent des globes terrestres et célestes. On peut y admirer le fac-similé du premier globe terrestre de l’histoire de Martin Behaïm réalisé en 1492, avant même la découverte de l’Amérique. Le continent n’apparaît donc pas sur ce premier globe : il faudra attendre le « globe vert » de Martin Waldseemüller conçu en 1506 pour voir le mot « America » s’inscrire sur la mappemonde. Le visiteur est ainsi invité à voyager entre ces globes et à voir notre monde s’esquisser, petit à petit, avec plus de précision sur ces sphères dont les dates de réalisation s’échelonnent de 1492 à 1879. On y trouve soit des pièces rares voir uniques, soit représentatives d’une époque donnée. Parmi eux, deux globes fabriqués en 1600 par le cartographe hollandais Jodocus Hondius sont particulièrement célèbres, car figurant sur deux tableaux de Vermeer, Le Géographe et L’Astronome. Dès cette date, grâce au travail du peintre et à la magie de l’image, les globes sortaient de leur petit monde. Ils n’étaient plus seulement visibles par le simple fait de leur présence physique, mais aussi à travers la reproduction picturale qu’en avait faite l’artiste.
C’est à ce même type d’expérience que s’est livrée la BNF plus de 400 ans après. Lors de son exposition « Globes en 3D », la bibliothèque a numérisé plus de 55 globes en s’appuyant sur le savoir-faire de l’entreprise japonaise Dai Nippon Printing. Ces « planètes numériques » ont bien entendu été mises en ligne sur le site de la BNF. Le résultat est tout à fait captivant. Alors que le visiteur n’avait évidemment aucune possibilité de toucher et de manipuler ces globes, il peut à présent les tourner en tous sens afin de les découvrir sur tous les points de vue, y compris des points de vue inaccessibles sur le modèle original, par exemple par dessous. L’utilisateur peut zoomer avec une grande précision sur des détails difficilement déchiffrables sur les objets eux-mêmes, il peut également les « éclairer » de l’intérieur pour les observer mieux.
Toutes ces mappemondes sont désormais accessibles de chez soi, à partir d’une connexion privée. L’internaute peut ainsi naviguer, ou plutôt surfer, entre différents océans et continents dont les bornes varient en fonction de ce que l’on en sait à chaque époque. Il peut y voir des continents émerger, des empires disparaître et des frontières se matérialiser. Ces globes sont comme autant de mondes, qui pris un par un, semblent figés, mais qui, envisagés dans leur ensemble, dessinent la carte temporelle de notre planète. Bien sûr, tout changement de support amène son lot d’inconvénients. Internet fait disparaître la matérialité de l’objet et ainsi s’évanouissent les volumes, les aspérités créées par l’usure et jusqu’à l’espace muséographique du lieu de présentation. Par conséquent, les deux expériences ne sont pas en concurrence, elles se complètent, chacune enrichissant l’autre, faisant se rejoindre deux mondes a priori opposés : le physique et le numérique. C’est seulement à cette condition que l’on peut faire le tour du globe.