Face à une échographie particulièrement difficile à interpréter, il est impossible de ne pas penser à cet épisode de la sitcom américaine Friends où Rachel, mortifiée, ne parvient pas à reconnaître sa fille dans le conglomérat noir et blanc qu’elle observe. Ce ressort comique risque de disparaître désormais, alors que l’échographie dévoile un nouvel aspect visuel. À ce jour, les trois échographies « classiques » sont toujours d’actualité. Elles servent, chaque semestre, à observer le développement du fœtus. Cependant, une nouvelle méthode est apparue récemment, qui attire bien plus l’attention des parents : l’échographie en 3D. Celle-ci modélise avec précision les traits du futur bambin.
Les premières secondes où j’ai posé les yeux sur l’une d’entre elles, j’ai ressenti un fort sentiment de rejet que j’ai immédiatement raisonné et transformé en tendresse : il s’agissait du visage de mon neveu. Cette nouvelle manière de représenter le fœtus m’évoque un moulage de cire, à mi-chemin entre un ex-voto médiéval et La Joie de vivre de Medardo Rosso.

Des techniques comme l’échographie permettent la compréhension de l’anatomie sans passage obligatoire par la dissection de corps morts. C’est aussi la raison pour laquelle se sont multipliés, par le passé, les modèles anatomiques comme celui en cire que Luigi Cajani a réalisé en 1888, à une époque où la dissection posait à la fois des problèmes éthiques et des risques sanitaires.
Le modèle qu’il a réalisé d’un fœtus est très clair : il s’agit d’un bébé au terme de la grossesse, encore dans l’utérus maternel qui est vu en coupe. Pourtant, l’intérêt scientifique du modèle anatomique n’empêche pas une attention toute particulière à son caractère esthétique. Le rendu est très loin du terrible aspect des fœtus conservés dans du formol. Le développement est à terme et le petit être adopte déjà la gestuelle adorable des nouveau-nés, les doigts dans la bouche pour s’endormir. Ses traits sont très poupins ; l’attention au détail est telle que des cheveux ont été ajoutés à son crâne. La recherche d’une représentation conforme à la réalité anatomique n’empêche donc pas Luigi Cajani d’idéaliser ce qu’il peut observer dans la nature. La seule ouverture dans la chair est réalisée sur le cordon ombilical, ce qui n’est en rien horrifiant puisqu’un code couleur est appliqué par souci didactique, pour ajouter à la clarté de lecture. Reste un détail incongru dans la mise en scène du modèle de cire : le fœtus repose sur une sorte de drapé vert.

Le regard médical a déjà pu témoigner de tendresse en se posant sur les êtres à naître, mais désormais, l’émotion semble prendre le pas sur la rigueur scientifique. Les échographies 3D ont beau permettre de repérer jusqu’à 70% des malformations, la pratique devient rapidement de plus en plus commerciale. Le monde médical incite à la prudence : il s’agit tout de même d’émettre des ultrasons sur ces zones très ciblées que sont le visage et les organes génitaux. Une seule échographie 3D est prévue dans le cadre du contrôle gynécologique d’évolution de la grossesse. Or les futurs parents peuvent débourser jusqu’à 200 € pour obtenir des images supplémentaires, voire un film de leur futur bébé. L’album photo de l’enfant à naître peut donc commencer avant sa naissance.